FEMMES D’ARGENTINE (Que Sea Ley) : Un réquisitoire contre la bêtise humaine
12 mars 2020 à 12h25
Œuvre contre la mise en danger des femmes et l’avortement illégal et finalement l’exclusion, car il est bien évident qu’en fonction des couches sociales vous ne vivrez pas les mêmes choses ; FEMMES D’ARGENTINE (Que Sea Ley) est un documentaire bouleversant et qui souligne l’âpreté d’un débat qui occupe non seulement l’Argentine et ses habitants, mais également toute une partie de ce continent aux coutumes bien souvent incompréhensibles quand elles ne sont pas rétrogrades.
Suite à l’annonce du décès d’une femme et alors que le texte de loi est présenté devant l’assemblée, nous assistons, témoins incrédules, aux problèmes soulevés par la création de ladite loi sur la légalisation de l’avortement au travers des contraintes d’un pays comme l’Argentine, ou perdurent des traditions et des coutumes qui vont à l’encontre de l’esprit des sociétés avancées. C’est ici que se posent les plus grandes différences d’avec l’Europe notamment, encore plus lorsque l’on est témoins du comportement des médecins qui vont pour certains jusqu’à dénoncer ces femmes. Curieux quand on pense au serment d’hippocrate, qui est censé aider à préserver la vie certes, mais qui au détour des siècles a évolué de sorte de protéger et surtout de ne pas juger. Pour souligner ce côté rétrograde qui n’aura échappé à personne, le documentaire nous invite à assister à des manifestations orchestrées par les pro-vie, soutenus par des évangélistes et autres congrégations rejetant l’avortement. La question de ce débat qui occupe l’Argentine va bien au delà du simple droit des femmes à avoir le droit - comme souligné par certaines - de jouir de la vie et de leurs corps sans les entraves qu’une société rigoriste et obscurantiste souhaite leur imposer.
C’est d’ailleurs là que certains députés s’insurgent contre cette relecture de la loi, estimant que la laïcité devrait rester au premier plan et que les questions religieuses ne devraient pas être de mise quant à ce sujet ! Or vous imaginez bien que tel n’est pas le cas… certains fondamentalistes allant jusqu’à parler d’interdictions des moyens de contraception. Les nombreux débats auxquels nous assistons nous présentent tout un éventail de cas aussi horribles les uns que les autres ; comme ce cas d’une jeune femme enceinte de quinze jours et ayant une tumeur et que la médecine n’aura pas traitée puisque les médecins ne voulaient pas l’avorter, portant sa grossesse à son terme avec les conséquences que l’on imagine. C’est aussi le cas de cette femme emprisonnée parce qu’ayant avorté ou de cette autre pauvre jeune femme enceinte et ayant tenté un avortement clandestin et qui se présentant aux urgences sera « punie » et devra attendre le lendemain matin avant de passer au bloc d’opération ! Elle ne survivra pas à cette condamnation par le corps médical. L’avortement clandestin revient donc au cœur du débat, porté par les femme de la rue, les députées et beaucoup d’hommes qui les soutiennent - et c’est tant mieux - qu’ils soient du monde religieux, des institutions ou de la rue !
50 000 à 70 000 femmes sont admises annuellement dans les hôpitaux suite à des complications dues à des avortements clandestins. Si ces chiffres font frémir c’est aussi en raison des conditions économiques qui ne cessent de se dégrader, car comment élever des enfants, comment ne pas avoir des familles à six ou sept enfants, quand il n’y a pas de contraception, pas de loi protégeant les femmes !? Rappelons que plus de 33% de la population en Argentine est sous le seuil de pauvreté et que c’est la crise la plus grave depuis celle de 2001 !
Se pose alors la question de la légitimité des actes ! Dans ce pays en crise - mais où soyons honnêtes les conditions ne changeraient guère sans de réelles avancées législatives - il est trop facile de parler d’inculture, de manque d’informations ou d’analphabétisme. Les cas de femmes qui cherchent à trouver des solutions sont nombreux et loin d’avoir une attitude passive elles sont battantes et courageuses. Il faut alors se tourner vers des raisons plus obscures et lointaines en se souvenant que l’Amérique du Sud fut colonisée par les espagnols ou les portugais rigoristes et trop religieux, et que bien trop souvent ont perduré des traditions où la femme restait soumise. C’est ce qui est dénoncé dans ce tragique documentaire - tragique parce que nous sommes confrontés à l’obscurantisme dans sa plus simple expression - cette main mise de l’autorité religieuse, d’une culture malmenée par des années de déclin, d’abus policiers et d’abandon des principes les plus élémentaires de ce que doit offrir la médecine, aide, conseil ou simplement compréhension.
Ce problème qui intéresse l’Argentine, est loin d’être anodin sur ce continent d’Amérique Latine, où la place de l’église est conséquente mais où surtout au lieu d’aider les populations elle continue à leur interdire trop souvent le recours à la contraception. Nous prendrons comme exemple les monstrueux dégâts occasionné au Brésil par les moustiques qui empoisonnent l’eau, provoquant ainsi des maladies qui auront des retombées néfastes sur la gestation des fœtus, et comme nous savons que très peu de femmes avortent… De plus les dirigeants sud-américains, comme certains faits récents l’ont souligné, ont tendance à user d’une sorte de nationalisme exacerbé ; même lorsque leur pays est en feu, même lorsque la drogue, la violence ou la pauvreté tuent des dizaines de milliers de personnes par an ; n’acceptant ni aide, ni conseils !
Nous conclurons cette chronique en appelant de nos vœux une libération politique, humaine et sociale pour l’Argentine ; et comme le soulignaient nombre d’intervenantes ; une éducation sexuelle inscrite dans le parcours scolaire, le droit à l’avortement et l’accès aux moyens de contraception. Ne nous arrêtons pas aux définitions données par les manuels d’histoire et de géographie ainsi qu'à la caricature facile qui serait d'employer le mot de "barbares" ; et allons plus loin que cette image que renvoient des hommes à peine digne de sociétés arriérées, mais soyons malgré tout témoins - alors que nous sommes au vingt et unième siècle - de ces problèmes qui touchent aux droits les plus évidents de l’être humain et à sa dignité dans ce pays.