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Si Tu es un homme, le film documentaire nécessaire et humain de Simon Panay
23 février 2023 à 16h00
Tourné au Burkina-Faso, ce long métrage de Simon PANAY arrive après son remarqué documentaire de 2019, ICI PERSONNE NE MEURT. Reprenant la trame de son court-métrage, tourné dans une mine illégale au Bénin, il revient à ce sujet sensible, fruit d’un long travail, explorant plus en profondeur cet univers si particulier des mines d'or, de son attrait et de la dépendance que ce travail engendre. Le film sort sur les écrans le 1er mars.
Pour ce long métrage, nous sommes invités à accompagner le jeune Opio, à peine sorti de l’enfance, et qui se trouve accueilli par les commentaires de garçons plus âgés que lui, devant s’immerger de suite dans cette dimension anxiogène liée au monde adulte et plus directement à celui de la mine ; entrant alors dans un monde dur et presque sans concession. Ce n’est pas tant que cet endroit soit nécessairement impitoyable - il n’y a pas de milices, pas de violences ou quoique ce soit de similaire - mais c’est plutôt qu’il s’agit d’un endroit clôt, extrêmement dangereux où le moindre faux pas vous tuera. Faut-il alors encenser ce courage, cette bravoure, où la voir comme le dernier acte désespéré d’un garçon qui doit trouver de l’argent pour payer ses études ? Résumé trop simpliste s’il en est, ce que souligne la caméra de Simon PANAY, il s’agit bien plus - à nos yeux du moins - d’une volonté de s’affranchir d’une forme de pauvreté et d’enfin réussir à faire quelques chose, sous-entendu, de sa vie !
On pourrait considérer les images de sa descente au fond de la mine, comme une allégorie mythologique, sur les enfers ou le purgatoire ; autant de scènes déjà montrées et assimilées par l’histoire. Or ceci se passe de nos jours, au Burkina-Faso, dans une mine illégale, pas si loin de chez nous finalement.
Et en parallèle de ces considérations ; dans le même temps ; Opio nous semble porter un regard nostalgique lorsqu’il se surprend à observer d’autres enfants jouer plus loin. Et cette nostalgie nous apparaît bien présente au travers des rires et des cris des autres enfants - que nombre d’entre eux sont toujours - ces enfants qui travaillent à la mine.
Tout cela se conjugue alors avec cette absolue nécessité de grandir pour s’affranchir de sa condition. Opio nous donnera ainsi une leçon de courage, de folle insouciance également, mais aussi d’inconscience. Et on le sent par ailleurs déchiré lorsqu’il parle avec sa famille, obstiné et sûr de ses choix, alors que les siens ne peuvent que montrer leur inquiétude. Entre ce regard que nous portons sur un mode de vie si éloigné du nôtre, mais où se jouent les mêmes schémas et comportements ; l’inquiétude - qui semble être universelle quel que soit l’endroit où nous vivons - et cet amour que nous portons à nos enfants ; le réalisateur instaure un dialogue privilégié (quand sa caméra n’est pas voyeuse) entre nous, Opio, et sa famille.
On se surprend à se demander comment Simon PANAY a réussit à « apprivoiser » ces jeunes adultes, à les filmer d’aussi prêt lors des scènes sous terre notamment. Sans doute en partageant une partie de leur vie, nous donne t-il un aperçu de conditions qu’on peine à comprendre, que nos civilisations trop sophistiquées nous empêchent de percevoir dans toute leur complexité.
Si le titre du métrage est SI TU ES UN HOMME ; il est la suite totalement logique du titre précédent ICI PERSONNE NE MEURT. Le réalisateur continue sa route en filmant avec talent cette histoire, la mettant en scène avec une indéniable puissance.
Si Tu es un homme (74min, 2022)
Réalisation : Simon PANAY
Image : Simon PANAY
Son : Souleymane DRABO
Montage image : Thomas MARCHAND, Simon PANAY
Étalonnage : Olivier GRACIA
Montage son : Boris CHAPELLE
Mixage son : Boris CHAPELLE
Musique originale : Philippe FIVET
Produit par Xavier Castano (Loull Production) et Christie Molia (Moteur s'il vous Plaît)
Co-Produit par Arnaud de Buchy (Acacia Productions) et Canal+ International
Avec le soutien du CNC et de la Fondation Jean-Luc Lagardère
Synopsis : Mine d’or de Perkoa au Burkina-Faso. Opio a 13 ans et passe ses journées parmi ceux qui rêvent de trouver la pépite qui changera leur vie. Lui ne descend pas dans les galeries, il est trop jeune pour cela et le monde souterrain l’effraie. Mais il travaille déjà à la force de ses bras, au treuil manuel qui remonte à la surface mineurs et chargements de cailloux à casser pour en extraire l'or. Chaque mois, son patron le rémunère avec un sac de cailloux tirés de la mine. À chaque sac la même excitation et le même espoir de richesse, toujours déçu par un maigre butin. Avec le temps, son équipe de travail est devenue sa nouvelle famille et il ne rentre au village qu’une fois par mois. Pour lui assurer un avenir, son père souhaiterait qu’il intègre une formation professionnelle dans la ville voisine de Réo, sans pour autant pouvoir payer les frais de scolarité. C’est à Opio que reviendra la tâche de réunir cet argent et pour cela, le seul moyen sera de demander à son patron une promotion : le droit de descendre dans ces galeries souterraines qui l’effrayent tant.
Sylvain Ménard, janvier 2023