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Le jeune Muzamil après sa naissance est présenté au chef religieux du village et alors que le derviche qui danse en égrenant les psaumes s’effondre brutalement au vingtième, le chef annonce à ses parents qu’il mourra à vingt ans ! Voici pour l’argument qui verra donc le jeune Muzamil être élevé avec cette épée de Damocles au dessus de sa tête, chamboulé par un destin auquel il ignore s’il doit croire. Marqué de quelques brimades - les jeunes années voient les autres enfants du village se moquer de lui avant que la sagesse ne leur soit offerte - il essaie de comprendre sa place dans la vie et rencontrera un homme érudit et ayant voyagé qui lui ouvrira les yeux sur le monde. Si cet homme semble à l’opposé de tous, il est amateur de vin et d’alcool et de femmes aussi - aux yeux de Muzamil, jeune et déjà marqué par une forme d’ostratisation, il prend l’apparence de ce père qui est absent. Mais ce qui pourrait n’être qu’une histoire d’enfance et de paternité est ici la source d’un bien autre problème, l’impact de certaines formes de culture ou de religion, plus portée vers une forme de mysticisme comme ici !
Le culte observé ainsi que les rites relèvent du Soufisme, qui représente une vision plus ésotérique et mystique de l'islam. Et ainsi l’entourage de Muzamil le croit condamné à voir son existence abrégée par le fait de l’interprétation d’un rite. Passionnant, le film montre avec retenue car il n’y a pas de dénonciation formelle, quelle est sa vie au long de ces périodes qui le voient grandir, s’affirmer, se chercher puis tout simplement faillir, parce qu’on lui a imposé des choix. Le pire d’entre tous étant sans doute celui de n’avoir nul espoir ! On sent poindre alors ici le jugement du cinéaste qui nous dévoile ces coutumes archaïques et cette pensée qui, pour autant qu’elle ne soit pas aussi excessive que ce que peut imposer une vision radicale, n’en demeure pas moins contraignante et possessive.
Parfaitement maitrisé, Tu mourras à 20 ans, est un conte cinématographique assez pur de forme et d’une grande clarté. Soulignons que ce métrage bénéficie d’une belle photo et d’une musique envoutante, plus occidentale finalement que réellement africaine.
Rappelons avant de conclure cet article, que le Soudan ne disposant pas d’une industrie du cinéma, ce long métrage met bien en perspective les problématiques de ce que l’on nomme le cinéma du monde. Car au Soudan, filmer même après la révolution n’est guère évident. L’armée surveille et dirige ; et dans un pays où l’islamisme radical imposé par la dictature a marqué durablement les esprits, revenir vers des normes alors que le pays débute un régime de transition qui devrait l’amener vers des horizons plus démocratiques, semble un chemin bien long.
Nous lui souhaitons alors de ne pas rester uniquement un coup d’essai, mais plutôt de devenir l’un des tremplins qui permettra au Soudan de développer de nombreux projets et surtout d’intéresser les producteurs.
Un film à découvrir, d’une grande sincérité, d’une richesse de tous les instants ; et vu au travers du prisme de ces gens simples et de leur vie éloignée de nos trop nombreux artifices à nous autres occidentaux !
En salle le 12 février.
Le synopsis : Le Soudan, la province d’Aljazira, aujourd’hui. Peu après la naissance du jeune Muzamil, le chef religieux du village prédit qu’il mourra à 20 ans. Le père de l’enfant ne supportera pas le poids de cette malédiction et s’enfuira, laissant son épouse Sakina élèver seule leur fils. Et un jour Muzamil a 19 ans..
Sylvain Ménard, février 2020