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BLACK INDIANS. Une autre histoire, une autre Amérique !
10 janvier 2019 à 15h20
Après avoir eu droits à quelques films coup-de-poings durant cette année, il me semble bon d’avoir un documentaire, un vrai, quelque chose que nous n’avions pas eu l’occasion de voir. Loin des clichés et des on-dits sur le sud des Etats-Unis ; bien que le racisme, la ségrégation et les idées reçues aient toujours la vie dure ; c’est à la vison d’un film (le mot documentaire passe un peu en arrière plan) plein de vie et de respect que nous assistons.
Le métissage qui est l’une des source du discours de ce film est également l’élément qui nous convie à l’évocation de cette page d’histoire, de ce brassage de culture entre des amérindiens que la colonisation a oublié après en avoir exterminé un grand nombre, et les descendants d’esclaves noirs qui pour beaucoup s’étant enfuis, furent accueillis et se mêlèrent au tribus de ce qui forme la nation indienne. De ce brassage - et l’Amérique dans son ensemble est principalement composée de ça - est née cette minorité, le film insiste bien sur ce phénomène, qui reste toujours visée et pourtant cherche à exister et à co-exister dans ce vaste pays.
Et c’est là qu’intervient ce petit miracle avec l’observation de ces traditions et de cette volonté de retranscrire et de perpétuer des coutumes aussi riches (les costumes sont d’une étonnante diversité) et musicalement aussi développées. On assiste ainsi à des moments de grandes connivence entre les gens ; où l’empathie, le besoin d’être avec les autres et de veiller à leur bien être prend le pas sur toute autre considération.
On retiendra ces belles images lors des défilés, de gens de toute couleur qui viennent assister à ces superbes marches qui nous offrent des visions bigarrées et chaudes, de tons bleus, blancs, gris noirs ou encore marrons, le tout coupé et brodé avec amour dans le seul objectif de faire perdurer des coutumes ou des rites.
Même si nous avons à l’esprit des images aussi contrastées de la Louisiane et de la Nouvelle Orléans, allant de l’ouragan Katrina aux séries télévisées en passant par de faits divers ou des images de bayous et d’une culture que nous autres français percevons un peu comme une des nôtres, le métrage va au delà de ces apparences en nous plongeant dans cette étude (particulièrement bien fournie) et où des représentants amérindiens et des descendants d’esclaves africains ont su créer quelque chose ensemble.
Bien sûr les Etats-Unis ne sont pas en reste face à la récupération par les classes aisées de certains lieux (ce que l’on nomme la gentrification), ni face à une forme de perpétuation de cet effet ghetto qui continue à entretenir cette notion de différence raciale. Ce qui est peu montré au cinéma est ici clairement exprimé, et dans le même temps pourtant nous constatons le rejet de toute forme de violence, ici on parle de culture… de coutumes et de couture. Car à la base de toute cette manifestation au beau nom de « Mardi Gras » il y a cette nécessité d’exister, ce besoin de se constituer en tant que groupe (et pas seulement individus), assumant une culture et la pérennisant au travers de ces costumes magnifiques, travaillés jours après jours, d’année en année !
On est encore une fois surpris par ces visions d’ailleurs, même si ce film-ci est français, réalisé par Jo Béranger qui malheureusement disparue trop tôt ne pourra terminer le documentaire et c’est Edith Patrouilleau et le chef opérateur (et co-réalisateur) Hugues Poulain qui termineront le métrage. Black Indians c’est avant tout une vision d’une Amérique qui résiste et donne finalement le meilleur d’elle même - ces costumes, cette volonté de perpétuer les traditions en sont la plus belle preuve - tout en assumant ses différences et en proposant par contraste une fascinante rencontre. Un film à voir (le mot documentaire a donc été oublié…) et qui vous permettra l’espace de quelques temps d’avoir comme une paix intérieure, de se poser loin des contraintes, des facilités et des déceptions de nos mondes trop mercantiles et superficiels. Et je vous avouerai que ça n’a pas de prix !
Merci à Samantha Lavergnolle pour sa gentillesse et son accueil.
Sylvain Ménard pour CinémaRadio, octobre 2018.