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Critique du Film Papicha de Mounia MEDDOUR
05 juin 2019 à 18h23
Mounia MEDDOUR choisit un sujet complexe pour son premier long métrage de fiction : l’Algérie des années 90 et la montée du Front Islamique du Salut.
Le film Papicha de Mounia MEDDOUR, film algérien, a fait partie cette année de la Sélection officielle dans la programmation Un certain regard du Festival de Cannes.
Date de sortie en salles prévue : 9 octobre 2019
Le film retrace une Algérie en pleine mutation, parcourue par la montée du fondamentalisme islamiste, et ses conséquences sur la population, notamment chez les femmes. En effet, un groupe de femmes, toutes différentes, se battent au côté du personnage principal, Nedjma, une jeune algérienne de 18 ans, qui s’efforce de garder et de mettre en avant ses libertés. Rêvant de devenir styliste, celle-ci, dans ce contexte de violence et de peur permanente, choisit de prendre comme arme le tissu afin de glorifier le corps des femmes et non de le recouvrir.
L’islamisme extrémiste prend petit à petit place au sein de l’Algérie par des affiches prosélytes, des attaques terroristes, des groupes de femmes portant le hijab qui terrorisent les autres femmes … La réalisatrice a su montrer par des séquences terrifiantes, telle qu’une attaque en pleine université, cette tension présente à chaque instant qui pèse sur ces femmes qui ne veulent pas se soumettre à ces idéaux. La jeunesse algérienne est alors prise entre deux feux : subir ou s’exiler. Nedjma, incarnée par l’actrice Lyna KHOUDRI, devient un symbole de liberté, un élan de vitalité, une sorte d’héroïne éclairée qui se doit de continuer à se battre pour toutes les autres femmes. Celle-ci, par un défilé de mode, met en lumière le corps des femmes. En choisissant de faire des robes à partir de hijabs, elle expose son adversité face à cette idée que la femme se doit d’être cachée. Nous pourrions alors parler de Papicha comme d’un appel à la liberté.
La réalisatrice réussit remarquablement à mettre en avant, dans un discours féministe, toutes les horreurs que subissent les femmes sans pour autant tomber dans le cliché. Effectivement, le film incarne une Algérie où les femmes ont un couvre-feu, doivent porter le hijab mais également des femmes qui sont sous l’autorité des hommes, qui se font agresser, frapper par leurs maris ou par des inconnus… Toutefois, Mounia Meddour ne dessine aucunement l’idée d’une fatalité. Cette dernière, par des scènes emplies de joie, de musique, de rires, sublime cette liberté toujours présente chez ces jeunes algériennes.
De plus, ce film n’est ni moralisateur, ni porteur d’un message négatif envers la religion, mais bien au contraire. En effet, ces femmes qui incarnent l’ancienne Algérie libre défendent la religion musulmane, cette religion maltraitée et utilisée à des fins terrifiantes. La réalisatrice ne détériore pas non plus l’image de l’Algérie puisque ces femmes choisissent de rester et non de fuir, elles décident de se battre pour leur pays. L’expression « Viva l’Algérie » devient alors pour elles un mantra.
Ce film, par une belle maîtrise de la caméra, par des actrices pétillantes mais aussi par des musiques algériennes magnifiques, réussit à faire rire et en même temps à émouvoir le public. Il n’a, en réalité, pas été rare de voir des personnes sortir de la salle avec les larmes aux yeux.
Ophélie Peter, mai 2019