Se connecter
                
                    
                
            
            
    
                        
                            Sortie sur Canal +, la série ‘Les sentinelles’ est une incursion réussie dans une réalité alternative de la première guerre mondiale… 
                    
                
 
             
    
    
    
        
        
        
        	                
                09 octobre 2025 - 16:30        
        
    
    
                ‘Les sentinelles’ : la série de Canal+ nous emporte dans un monde en pleine mutation, où l’horreur des tranchées et de la grande guerre, rencontre une technologie balbutiante créée à seule fin de gagner des guerres et de survivre contre l’ennemi. Parsemé d’éléments qui renvoient à l’uchronie et au films de docteurs fous créateurs de monstres (dans le genre il y aura eu le film OUTPOST, mais là c’était avec des nazis), la série adapte la bande-dessinée en quatre tomes scénarisée par Xavier Dorison et illustrée par Enrique Breccia (dessins et couleurs). Dans l’optique qui était déjà celle de la BD à l’époque, les créateurs de la série, s’emparent de cette page d’histoire que tout le monde pense connaître, et lui adjoignent ces couches de rétro-futurisme, voire de steampunk, qui alimentent une uchronie, le fameux « et si » (what-if en, anglais) se déroulant en 1915 durant la première guerre.
Parier sur l’arrivée d’une série telle que celle-ci, reste complexe. D’abord en regard de la frilosité ambiante. On parle évidemment de celle de la presse (certaines critiques sont incompréhensibles, injustes et mal construites), celles des ‘chroniqueurs’ et ‘youtubers’ de tout type, dont la capacité à aligner trois mots reste sujette à caution, est hors sujet et ne vise bien souvent qu’à augmenter le nombre de leurs abonnés. Ensuite parce qu’il y a en France une ‘omerta’ sur le fantastique, et nous avons eu l’occasion d’en parler lors de la sortie de certains métrages, où les producteurs n’aiment pas le genre, le décrient et le soutiennent peu.
Les personnages sont bien campés, leur passé et leurs motivations apparaissent clairement à un moment ou à un autre, et la trame en elle-même, en mixant plusieurs genres - dont le film de guerre, les super soldats, les savants fous (quand même un peu, il faut le reconnaitre) et l’histoire, celle de la grande guerre - crée un ensemble attractif, bien filmé et qui vous tient en haleine ! 
Le travail sur la photo et les décors est excellent, et les caractères (on parle de la conception des personnages, du charadesign) ont bénéficié de développements très minutieux, nous proposant toute une galerie de portraits au traits burinés, au faciès meurtri ou parfois semblant surgir de gravures ou de photos d’époques. Sans excès de caricature ni de facilité ‘consensuelle’, nous découvrons des personnalités diverses auxquelles nous pouvons nous assimiler - du directeur du journal, à l’épouse en deuil, aux trafiquants d’informations, en passant par les héros, surhommes ou simplement officiers las de la guerre et colonels avide de réussir au service de la patrie, quant ce n’est pas juste pour la ‘gloriole’. Autant d’âmes damnés ou perdues, d’autres en quête de rédemption, et le lot commun de dangereux, profiteurs de tous types, des personnages  parfois paumés, jamais inintéressants.
Alors, certes il y a quelques longueurs (peu il faut l’avouer), quelques plans curieusement répétés (ceux des champs dans les épisodes de fin), mais l’ensemble se regarde avec un vrai plaisir de cinéphile, et pour peu que vous ayez lu les quatre tomes de la BD, la série a judicieusement choisi de transformer certaines péripéties afin de mieux coller à la dynamique cinématographique, gardant la substance première de l’œuvre originale, la grande guerre, les super soldats, cette ambiance spécifique.
Rares sont les séries (ou films) de guerre, portant sur la première guerre mondiale qui avaient opté pour une approche aussi audacieuse. Si l’on fait exception de Chroniques Mutantes en 2008 ; qui offrait une vision d’un monde rétro-futuriste et d’une guerre qui faisait rage entre deux factions, avec quelques très bonnes idées comme ces mutants surgis de la terre ; nous aurons rarement été emballés par les quelques adaptations entraperçues de ci de là.
Souvent on cite L’Armée des douze Singes comme étant une uchronie, or il n’en est rien. L’action se déroule dans un futur post-apocalyptique (qui n’a rien à voir avec une date précise de l’histoire telle que nous la connaissons et qui aurait été modifiée), avec des tentatives de voyage dans le temps pour ‘corriger’ l’histoire de ce futur lointain. Pour sa part le film d’animation japonais Jin-Roh, la brigade des loups, est une véritable uchronie, l’action se déroulant dans le japon d’après guerre (une période dont nous avons connaissance), dans une société totalitaire et répressive.
C’est le philosophe français Charles Renouvier, qui en 1857 a inventé le terme « d’Uchronie », qu’il définissait comme une utopie dans le temps ; mais qui bien souvent prend la forme d’une description d’évènements que l’on sait ne pas avoir eu lieu et qui deviennent le point de divergence de l’histoire ; le Japon gagne la guerre, les États-unis sont conquis, etc… Ainsi sommes-nous confrontés à l’effet domino, ou la situation existante est remplacée avec les conséquences que l’on imagine, le cours de l’histoire en étant modifié.
Les grands auteurs ont comme noms : Norman Spinrad, Philip K. Dick, Philip Roth, Johan Heliot, Roland C. Wagner, Kim Stanley Robinson, Poul Anderson, ou encore David Lloyd… même Stephen King s’y est essayé !
De la sorte il s’agit bien d’une « histoire alternative » qui nous est contée dans la série produite par Canal + ; ou science-fiction et guerre en ce début de XXème siècle font bon ménage, alors que les véhicules motorisés remplacent à peine les chevaux, mais où un homme peut se retrouver pourvu d’une puissance inouïe et d’une capacité de régénération hors du commun.
Uchronie, ambiance parfois steampunk, violence de la guerre, histoire d’espionnage et d’amour, tous les éléments semblent s’accorder pour nous offrir un spectacle de choix avec ‘Les sentinelles’ !
Sylvain Ménard, octobre 2025
Photos tous droits réservés : Guillaume Lemans, Xabi Molia, Caroline Dubois / Federation Studio France / Esprits Frappeurs / CANAL+ 

 
                            