Pourquoi la BO de Boba Fett est un ratage total…

Nous avions eu droit à un score sur Le Mandalorien composé par Ludwig Göransson, qui faisait montre d’une certaine originalité, mais qui dès la seconde saison était devenu répétitif, avec nettement moins de thèmes que précédemment, et surtout qui commençait à user de trop de percussions qui comme chacun sait ont tendance à meubler la piste sonore en remplacement de motifs mélodiques qui deviennent donc absents. Ce manque est sur cette nouvelles série, plus qu’une gêne, un réel dommage qui nuit à la qualité intrinsèque du show. Car soulignons-le, c’est du Star Wars, pas une série au rabais avec un compositeur, ou deux, sans inspirations.
Le score est composé par Ludwig Göransson, qu’on avait découvert plus inspiré sur Black Panther et Creed 2 ; et Joseph Shirley, qui n’est connu que pour ses collaborations sur des courts-métrages, documentaires et séries. Qui a parlé de musique au rabais !? Car qu’on soit 'musique de films dite classique’ (John Williams), 'musique pop ou moderne', voire 'rock', chacun reste libre ; mais ici c’est un naufrage, pas de notes - non, ça ne compte pas quand on les répète en modifiant juste l’habillage (on emploie pas ici le mot d’orchestration)… !
On imagine aisément que composer sur une série de science-fiction induit un certain nombre de choses en terme de réflexion et d’approches (production, réalisation…), allant d’une composition thématique et puissante (pour exemple les excellentes BOs de Lost In Space, Star Trek Discovery…) qui nous délivrent de nombreux et riches motifs qu’ils soient orchestraux ou pas. Ici, c’est devenu le culte de ‘l’inculture’ - un phénomène aberrant qui fait prévaloir des percussions ethniques - parce que vous comprenez, nous sommes sur une planète de sable… donc il faut des instruments qui soient ‘locaux’, et des motifs esquissés (ce n’est guère plus) aux notes plus ou moins arabisantes. Le problème c’est que Star Wars a un niveau de construction musical qui va au delà des générations, et user de structures modernes qui au fil des épisodes se dégradent, nuit à l’ensemble.
Les quelques thèmes entendus n’ont guère le temps de nous interpeller, le montage les coupe trop souvent, au lieu de leur laisser de la place - mais encore faudrait-il qu’ils puissent tenir sur la longueur, ce qui n’est pas le cas comme entendu sur des séquences où l’on sent bien un manque de construction. L’utilisation de sonorités exotiques, d’instruments typiques n’ajoute rien - et ne fait que souligner la pauvreté de l’écriture. D’autant que l’usage de motifs ethniques devient non seulement récurrent (NCIS, Castle, et toutes séries confrontant les forces de l’ordre à des ‘méchants’), mais fait preuve de pauvreté artistique également, car la musique du Moyen-Orient ou de l’Asie (Liban, Iran, Afghanistan, Turquie, Azerbaïdjan…), ou encore de l'Afrique, n’est pas du tout ainsi.
Pour en finir une bonne fois pour toute avec les inspirations dites ethniques, il serait bon que les compositeurs se renseignent - ou à défaut écoutent ce qui existe : des musiques d’une grande qualité mélodique, riches et orchestrales (selon les pays), où les percussions n’existent réellement que sur des mouvements plus modernes ! Ajoutons que l’usage de motifs ethniques (joués aux flûtes, ou aux tambours,…) n’est ni original ni nouveau, les compositeurs en ont employé depuis fort longtemps. Il suffit de se replonger avec Graeme Revell sur la série Dune des années quatre vingt dix pour s’en convaincre avec ses mofits arabisants, Hans Zimmer n’ayant fait que répéter ces choix sur le Dune de Villeneuve. On omettra de parler de ce faux thème avec des chœurs (plutôt des voix d’ailleurs), répétitif et tribal. Et oui, il y une logique à user d’un argument qui renvoie au tribal, à des sonorités barbares par exemple (c'est le script), mais une fois encore si ça ne fonctionne pas, c’est bien qu’il y a un problème. On pourrait parler d’embaucher un superviseur ou un conseiller musical… pourquoi pas ! D’autant que préparer et composer une bande-originale est une histoire de temps, de référence et de goût.
On pourrait débattre du bien fondé de telle ou telle approche, des choix - qu’ils soient ceux du compositeur ou de la production - mais n’en reste pas moins que musicalement on se doit d’être au ‘top’ et de respecter et le genre (Star Wars est un genre à lui seul) et les fans !
Il serait temps que sur des séries à succès - car on ne peut nier que la qualité soit au rendez-vous - la production et le Show-Runner, ici Jon Favreau, prennent enfin la mesure de ce que doit être le raccord ou le lien avec l’original, le Star Wars de Georges Lucas.
On a vu le ‘plantage’ sonore sur Solo, un score de John Powell qui souhaitait s’affranchir de John Williams et qui finalement n’a rien prouvé ; et la réussite sur Rogue One avec Michael Giaccino, où tout était parfait et respectueux du genre.
Car c’est là qu’il faut se rendre compte que ce ‘respect’ dont on parle permettrait à la série d’atteindre un niveau de qualité digne des métrages. Or si on ne peut que louer la qualité artistique et scénaristique des séries (malgré quelques épisodes de moindre facture), Boba Fett atteint à un niveau de médiocrité musicale consternant ! Pas de thèmes central, pas de développement ni d’accompagnement lors de moments qui pourrait le nécessiter, une certaine forme de bruitisme est ainsi de mise, et à aucun moment un morceau qui nous surprend n’accompagnera les images. Ce fut d'ailleurs le cas sur les derniers épisodes de la seconde saison du Mandalorien, où Göransson ne faisait guère plus que le minimum syndical en terme de création de motifs et de développements de passages originaux, sans compter la réutilisation excessive de thèmes déjà existants.
Il y a des idées parfaitement ‘géniales’, des clins d’œils (le Rancor) ou des mises au points et des croisements qui sont faits, notamment avec la seconde saison du Mandalorien ou la trilogie classique. Des raccords qui sont parfaits et satisferont le fan. Aussi pourquoi ne pas prendre autant de soin à élaborer et construire une bande-originale digne de ce nom ?
Un dernier mot : ici à Cinémaradio nous sommes fans de Star wars, et de belle musique (orchestrale ou pas) ; et nous sommes sûrement exigeants. Notre déception vient surtout de ce constat qui risque de devenir permanent sur les séries Star Wars ; constat qui est qu’entre le temps et l’argent que l’on va allouer au développement et à l’image finale, puis à la musique qui l’accompagnera… là il n’y a aucune commune mesure, aucune envie de donner vie à un nouvel univers musical !
Et surtout nous ne parlons pas de faire une copie servile, d’être les esclaves d’une pensées et d’une écriture… non !
Voici pour conclure quelques noms (il vous faudra écouter ce qu’ils ont pu composer) qui conviendraient parce qu’ils ont tout simplement démontré leur capacité à s’inscrire dans des modes et leur respect de la musicalité :
Erwann Chandon (cf le score inspiré de La dernière vie de Simon) (cf article)
Alexandre Desplat (bon, pas besoin de le présenter…)
Scott Glasgow (Chasing Ghosts, The Curse of Sleeping Beauty, Lo, Secrets of a Psychopath, Cosmic Sin…)
Dominik Scherrer (An Inspector Calls, Primeval, The Serpent…) (cf articles)
Daniel Pemberton (Welcome to Earth, The Dark Crystal: Age of Resistance, The Awakening…)
John Debney (Predators, End of Days, Zathura: A Space Adventure, SeaQuest DSV…)
Henry jackman (Kong: Skull Island, The Predator, The 5th Wave, Kingsman: The Secret Service…)
Et untel, untel, … la liste est longue.
Confrontés aux bons vieux usages du copinage et du népotisme, il devient compliqué d’avoir du recul, dommage encore une fois que la musique en fasse les frais !
Le lecteur peut se reporter aux ouvrages publiés chez Camion Blanc, écrit de la main de votre serviteur, qui brossent un portrait le plus large possible des musiques de films, des compositeurs et de leurs engagement dans le genre fantastique (Camion Blanc)
(Symphonies fantastiques Musiques de films fantastiques et de science-fiction (2016) ; Musiques de films fantastiques et de science-fiction, Les compositeurs de A à M (2017) ; Musiques de films fantastiques et de science-fiction, Les compositeurs de N à Z (2017))
Sylvain Ménard, janvier 2022
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