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'TOXICILY'… plus qu’une dénonciation, ce documentaire est un pamphlet à l’encontre de la mondialisation effrénée et de ses dangers
11 septembre 2024 à 12h34
La première vision - étonnante - que nous avons de ‘TOXICILY’, est celle d’un homme, prenant de l’essence, avec son masque sur le visage, un masque avec une cartouche à gaz. C’est une image qui renvoie forcément à quelque chose d’anormal et dans l’imaginaire collectif à quelques chose de quasiment fantastique. Peut-être sommes-nous en présence d’une apocalypse, confrontés à l’image d’un monde qui survit après une catastrophe naturelle ou du fait de l’homme… car tel est bien le sujet de ce documentaire puissant.
Et forcément, la vision d’une jetée avec des oléoducs qui courent au dessus, celle d’un pétrolier amarré en bout de jetée, où celle de ces gros tuyaux qui semblent renfermer une mort « mais quelle mort ? » ; nous renvoie toujours à cette image de catastrophe imminente. Et en ce lieu précis, à Augusta, une ville côtière proche de Syracuse en Sicile, des choses impensables se déroulent depuis des décennies, polluant, contaminant ou tuant lentement, de façon insidieuse les habitants et les travailleurs d’un des plus grands pôles de l’industrie pétrolière d’Europe. Francois-Xavier Destors et Alfonso Pinto dénoncent des pratiques qui dans un lieu gangréné par la corruption, l’inaction et l’incompétence, font dire aux gens qui y vivent « Mieux vaut mourir d’un cancer que de faim » ; car malgré ce péril, l’entreprise permet aux familles de vivre, et gare à ceux qui militent contre elle et les lobbies !
Francois-Xavier Destors et Alfonso Pinto nous invitent à découvrir ces visions, celles de bâtiments industriels, totalement abandonnés, dignes d’un film catastrophe ou d’un film de science-fiction ; des endroits désertés par toute vie, où l’on entend aucun bruit, ni animaux, ni oiseaux ; et tout ça ne fait que renforcer encore cette sensation de désolation et de ruine.
Et puis ce documentaire, ce sont également des images d’archives, des images de ces moments où la vie était belle, ou des gens pouvaient profiter de l’endroit, et où ils vivaient ; et alors sont arrivés les jours sombres, les camions de déblaiement, les grues et les Caterpillar, et tous ces travaux accompagnés des premiers rejets à la mer avec les conséquences que l’on imagine.
Entre désillusion, résiliation puis refus de voir la réalité, arrive l’acceptation de cet état de fait avéré ; et puis c’est le déni, et enfin vient la révolte. Le spectateur sent la population épuisée, et prête à exploser. Et comme souvent le combat est mené d’abord individuellement, puis commence à prendre de l’ampleur.
Ainsi on en arrive inévitablement à évoquer la politique et la mafia. Parce qu’ici en Sicile il y a la mafia ; et il y a les décisions qui sont prises par des gens qui se vendent, troquent la vie et l’intérêt des populations de ces territoires pour des questions de pouvoir quand il ne s’agit pas tout simplement de pots de vin… toujours cette fameuse histoire de corruption qui surgit inévitablement dans ces histoires.
Nous parlant de ceux qui subissent, comme les familles et les enfants, puis nous montrant ceux qui finissent par accepter et ont un discours ambiguë, TOXICILY démontre avec pertinence la difficulté qu’il y a à convaincre les uns et les autres, dans un combat nécessaire mais si complexe à mener.
Aussi par delà la dimension que le documentaire épouse, celle d’un film qui se veut ‘avertissement et constat’, quant à une situation avérée ; nous sommes mis au contact des évidences, celle du manque d’engagement des politiques, celle de l’abandon de toutes obligations quelles qu'elles soient, concernant la sécurité des citoyens, leur vie !
Et ce constat amer, ne doit pas nous empêcher de nous rendre compte de la réalité des faits, et sans exagération, ni sans crier au complot ; force est de reconnaître que partout dans le vaste monde, ce sont les intérêts de quelques-uns qui prévalent, un fait indéniable et régulièrement montré dans des reportages et documentaires, que nous avons tous eu l’occasion de voir.
Récemment c’est le reportage sur TF1, « Décharge à ciel ouvert : la Sicile croule sous ses déchets » qui nous aura laissés abasourdis, mais c’est sans compter sur le reportage visible sur le site ‘Reporterre’ (https://reporterre.net/En-Sicile-les-raffineries-empoisonnent-la-population) qui publié en avril de cette année parlait alors de la raffinerie et d’Augusta, un article dont nous vous conseillons la lecture, et où intervient le géographe Alfonso Pinto.
Et ce constat alarmant ne doit pas demeurer méconnu du grand public ; nous devons partager ce que nous savons, cette ‘connaissance’, sinon tout serait alors perdu et le combat inutile ; et tel semble être en substance le propos de Francois-Xavier Destors et Alfonso Pinto.
Grandes entreprises, déchets et pollution font bon ménage, l’affaire est entendue. Mais peut être plus qu’ailleurs, car nous sommes en Europe, dans un pays (en théorie) démocratique et où la voix du peuple compte ; nous nous trouvons désarmés devant l’incurie des services de l’état, devant les évidences de la corruption et de l’inaction face aux morts, nombreuses, bien trop nombreuses.
Qualifié de ‘nécessaire’, TOXICILY, le documentaire de Francois-Xavier Destors et Alfonso Pinto, prend maintenant l’allure d’un pamphlet contre la mondialisation et les sacrifices que les pays devrait consentir à faire en son nom.
Pamphlet, brûlot, attaque en règle contre un système défaillant, TOXICILY est ‘remarquablement’ nécessaire et primordial dans notre course afin de mieux comprendre notre monde et les enjeux auxquels nous sommes confrontés.
TOXICILY : En Sicile, au Nord de Syracuse, l'un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe empoisonne depuis 70 ans l'environnement et les hommes. « Mieux vaut mourir d’un cancer que mourir de faim », entend-on sur la plage qui borde la raffinerie. Dans un contexte d’omerta et de résignation, le film donne la parole à ceux qui luttent et qui survivent au coeur d’un territoire sacrifié sur l’autel du progrès et de la mondialisation.
Sylvain Ménard, septembre 2024
Auteur & réalisateur : François-Xavier Destors
Auteur : Alfonso Pinto
Image : Jean-Gabriel Leynaud
Montage : Matthieu Augustin
Musique : Jorge Arriagada, Danilo Romancino
Son : Sebastiano Caceffo
Montage son : Martin Dezelscaux
Mix Audio : Christian Cartier
Etalonnage : Baptiste Evrard
Production : Elda Productions (France), Ginko Films (Italie)
Producteurs : Christilla Huillard-Kann, Chiara Andrich, Andrea Mura
Directrices de production : Corinne Delpech, Chiara Andrich
Assistants de production : Clarisse Belondrarde, Mavi Calcinotto, Gaia Vianello
Avec le soutien de : Eurimages, Centre National Du Cinema Et De L’image Animée, Dgca Del Mic, Region Hauts-De-France, Sicilia Film Commission, Rai Cinema, Bip Tv, Rsi Radio Televisione Svizzera, Procirep-Angoa, Cricd, Ecole Urbaine De Lyon
Crédits photos : Alfonso Pinto
lien : https://reporterre.net/En-Sicile-les-raffineries-empoisonnent-la-population