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KABUL CINEMA, la vision d’un cinéma engagé selon Louis Meunier
06 février 2019 à 10h45
Quand on sait que dans tout l’Afghanistan il ne doit rester à l’heure actuelle que quelques dizaines de cinémas, on saisit bien l’abîme qui existe entre le pays d’aujourd’hui et celui d’hier. Avril 2002, Louis Meunier débarquait en Afghanistan et devenait témoin de ce qui au début était ressenti comme un fol espoir, puis avec l’arrivée des Talibans comme un désastre total. Quand Louis a eu l’idée de ce film, il vivait dans le pays et souhaitait montrer ce qui s’y passait. Ayant développé une société de production, il réalisait des films afin de montrer ce magnifique pays. S’intéressant à la tradition culturelle de l’Afghanistan et souhaitant dans le même temps ré-habiliter un centre culturel, son choix tomba sur l’ancien cinéma Aryub, il décida d’en faire alors le sujet d’un film… ainsi est né Kabullywood !
Making-of de Kabullywwod, ce métrage, passionnant à plus d’un titre, nous explique le travail qui fut fait, de la restauration du centre culturel Aryub, à la gestion du tournage, des lieux à privilégier, du temps avec lequel composer, le film se déroulant sur plusieurs saisons… Tout ceci, très bien rendu dans le film, donne lieu à des péripéties que nous autres occidentaux avons presque peine à croire. Comme on l’imagine la logistique fut ardue à mettre en place, non pas d’un point de vue technique, mais bien en terme d’autorisations, de dispenses ou d’ententes avec les divers responsables.
Mais ce qui est réellement mis en valeur c’est cette volonté des gens de faire avancer les choses. Redonner vie à ce centre culturel, ce projet cher à Louis Meunier, est une façon de résister et d’essayer de vivre avec des joies simples sans craintes ni peurs. Les acteurs et l’équipe sans oublier des personnalités comme Naser le projectionniste, œuvrent dans cette direction, parfois optimistes et à d’autres fatalistes face aux errances du système, à l’incompréhension de leurs interlocuteurs ou à l’absurdité des décisions politiques.
Le destin aura voulu que la réhabilitation du centre culturel coïncide réellement avec la fin du tournage, mais sans que le centre n’ouvre réellement ses portes au public.
Une chose surprenante, c’est que le cinéma Aryub est parfois perçu comme une entité réelle, tant il nous est montré sous des angles différents et s’avère avoir vu passer tant de choses et de gens, de bonheurs et de malheurs. La rencontre avec le propriétaire qui a vu la quasi majorité de sa famille exécutée par les talibans et qui ici, dit son amour de ce lieu, ou de la culture, est un passage poignant et bien représentatif de l’esprit afghan !
Parfait dans sa forme - il se voit comme un vrai film - Kabul Cinema est le compagnon idéal de cette œuvre étonnante de vie, pleine d’espoir et parfois sombre, mais qui a su nous atteindre. Tranche de vie, exercice de style, ce documentaire (bien plus qu’un simple making-of) est superbe et souhaitons qu’il rencontre également son public !
Sylvain Ménard, Février 2019.